Magali Delgado et Frédéric Pignon

C’est la sensibilité, le feeling, le sens de l’image et de la beauté.
Toujours humbles et souriants, Magali et Frédéric nous donnent une splendide leçon de dressage : douceur, compréhension, amour et respect du cheval
Nous les avons rencontré pour vous…


 
© J.L Perrier

 

Bonjour ! Frédéric, quelle est la philosophie de votre travail ?

Mon approche première est le jeu.
Je cherche avant tout à donner l’envie au cheval de travailler.
Si je dois savoir assez vite quelles sont les aptitudes physiques du cheval, je dois surtout savoir quel est son vrai goût. C’est essentiel.
Je ne dois pas perdre du temps avec un cheval sur des choses qu’il n’aime pas faire…si j’insiste je cours à l’échec.
Je ne dois jamais casser cette complicité.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Mon cheval Templado aime tout ce qui est action, mouvement. Il est moins bon dans le statique ! Je le sais.
Je peux obtenir qu’il se donne quand même, au piaffer ou en révérence par exemple…mais contre du jeu.
Si je lui demande de piaffer, c’est en liberté totale, doigt sur le poitrail pour le retenir.
Il se donne alors, mais si la pression est trop forte, je lâche et je lui permet le jeu.
Il est à nouveau libre, s’éloigne et revient en cabrade systématiquement : c’est ce qu’il aime faire.

Son frère a horreur de sauter une barre mais adore monter sur un plot blanc…donc je l’autorise à monter s’il saute d’abord.

Templado m’a expliqué beaucoup de choses.
Il est à l’origine de ma découverte du travail en liberté.

Le cheval fonctionne au plaisir dans l’effort.

 

© J.L Perrier

 

Oui ! les cavaliers l’oublient parfois !

C’est très important. Ce que le cheval peut faire en liberté, pour le plaisir, il peut le faire monté.

Quelle est votre formation, votre parcours ?

J’ai commencé par la voltige et la cascade mais j’ai toujours aimé le travail en liberté.

J’ai rencontré Magali qui m’a amené au dressage classique qui est pour moi la base et la clé de tout, même en liberté.
Puis j’ai rencontré Vidrié qui était le bras droit d’Alvaro Domecq, le réjonéador espagnol. Il avait une connaissance des chevaux incroyable et une patience invraisemblable.
L’observation et la patience c’est vraiment essentiel.

 

© Naturfoto Kuczka

 

Mais ce ne sont pas des spécialistes de la « liberté » !

J’ai travaillé alors avec les américains et rencontré Corky Randall.
Corky Randall, c’est l’homme qui a fait au cinéma toutes les scènes avec « L’Etalon Noir » dans la film de Walter Farley.
J’ai travaillé trois mois avec ce monsieur qui ne pouvait plus marcher !
Il m’a demandé, après m’avoir vu travailler, d’être ses jambes. C’était extraordinaire !
Je ne parlais pas anglais mais j’ai vite compris que le langage équestre était universel.
J’ai découvert qu’il y avait une vrai technique de la liberté, une expérience et une connaissance du cheval incroyable chez cet homme.

On ne peut trouver cela nulle part ailleurs, sauf au cirque, dans la tradition des grandes familles…Mais le cirque, avec l’existence de la piste toujours présente, correspondait moins à ma démarche.

Avec Corky Randall, c’était la liberté totale, une rencontre rare.
C’est peut-être moins technique qu’au cirque mais l’on garde l’idée de liberté hors piste.

Travailler avec les chevaux et rencontrer tous ces passionnés…c’était ma voie…

Mais comment êtes-vous venu au spectacle équestre ?

J’avais cette passion du spectacle et du cirque depuis tout petit.
Mon père était passionné de théâtre, de chevaux. Il avait un coté bohême, artiste.
C’était la même chose du coté de Magali…

Votre sensibilité et votre « feeling » avec les chevaux sont palpables, évidents…vous donnez de l’émotion au spectateur…

Plus que le dressage, ce qui m’intéresse c’est connaître les animaux en profondeur…j’ai toujours essayé, avec tous les animaux.
J’ai fait les Beaux-Arts deux ans.
Vous devez avant tout apprendre à regarder, apprendre le regard, et bien sur acquérir aussi la technique.
La musique, la danse, le théâtre, le maintien, l’étude des langues, tout concourt au développement d’un artiste…

L’artiste est comparable au jeune cheval. Il doit acquérir les bases pour pouvoir exprimer sa personnalité.
L’éducation n’est pas un moule…c’est moral : savoir ou est le bien et le mal…


© Naturfoto kuczka

Comment organisez-vous votre vie avec les chevaux ?

Certes, il y a des contraintes.
Mais c’est un choix de vie. J’aime le coté saltimbanque, le voyage.
Il faut s’adapter aux lieux, aux nouvelles conditions. C’est la même chose pour nos chevaux.

Nous avons passés deux ans aux Caraïbes avec nos chevaux, à Santo Dominguo avec trois spectacles par semaine.

Nous sommes installés avec Magali à L’Isle-Sur-Sorgues, dans le Vaucluse.
Notre écurie comprend une dizaine de chevaux confirmés pour le spectacle comme Dao, Templado, Bandollero…et cinq jeunes chevaux en formation.
Tous sont issus de l’élevage Delgado.
Nos chevaux sont la vitrine de cet élevage : nous recherchons beauté et fonctionnalité.
Mais nous attachons une grande importance au contact et au caractère.

Nous partageons notre temps entre le dressage des chevaux et les spectacles, avec quelques grands shows par an.

Et vous Magali que recherchez-vous dans le spectacle ?

La puissance, l’équilibre et la soumission du cheval ibérique me donnent un grand plaisir.
Je cherche à faire partager ce plaisir.
Je voudrais que les gens sortent du spectacle avec de l’entrain, de la gaité, comme après une thérapie.
Je me laisse emporter par le numéro, j’oublie tout, je me sens porté par la musique.
Mais si un petit problème survient, j’en sors minée !
Je ne suis jamais blasée, les sensations sont toujours nouvelles.

 


© J.L Perrier

Est-ce la même chose pour vous, Frédéric ?

J’ai un très grand plaisir tous les soirs.
Je ne cherche pas à montrer du spectaculaire mais ce que je fais chez moi.
Je veux faire du vrai. Je privilégie le vrai, le beau au spectaculaire.
Je recherche le juste…ce doit bien sur être beau et agréable, mais je privilégie avant tout une relation avec les chevaux.
Je préfère perdre une belle image que casser une relation.

C’est aussi ma philosophie…

Si le cheval est fatigué sur une cabrade je ne la tiens pas.
Je pense avant tout à la relation avec le cheval.

Magali, comment choisissez-vous vos musiques ?

C’est très complexe ! C’est ce qui amène la partie magique du spectacle.
Nous y travaillons autant qu’avec les chevaux, nous y passons des journées entières.
Je travaille actuellement avec une troupe musicale de la Drôme « La Complet’Mandingue », percussions, musique africaine avec une touche personnelle, voix…Ils ont même créé une musique pour mon cheval Bandolero. Ils sont très inventifs.


© J.L Perrier

Magali et Frédéric quels sont vos projets ?

Nous travaillons sur un projet de spectacle complet avec une idée, un fil conducteur.
Nous voulons mettre notre sensibilité, notre expérience en commun avec de vrais chorégraphes, de vrais metteurs en scène.
Actuellement nous sommes sur un gros projet au Canada où il existe une culture du cheval mais une culture très western. Il y a aussi là-bas la troupe « Cheval-Théatre »avec beaucoup de français.
Nous pensons que le grand public attend cette relation  avec le cheval.

Nous avons par ailleurs un projet éditorial avec les éditions Belin pour présenter la beauté et la complicité du Lusitanien Templado.
 

Entretien réalisé par Bernard CHIRIS     cheval-haute-ecole.com
Mars 2002

       

Page suivante

© Chiris 2002