L'ENSEIGNEMENT
DE NUNO OLIVEIRA
de Bernard Chiris
paru dans la nouvelle revue Cheval Lusitanien Magazine-Octobre/Novembre 2007
Nuno OLIVEIRA était un Maître. Son immense talent d'écuyer, la qualité et la justesse de son enseignement, sa personnalité complexe et ses dons de comédien fascinaient ses élèves. Tous ceux qui, venus du monde entier, avaient la chance de suivre son enseignement étaient subjugués et beaucoup en sortaient transformés. Indulgent et exigeant à la fois avec ses élèves, féroce avec les snobs, les vaniteux et les cavaliers figés dans leurs certitudes, il était l'incarnation même de l'Ecuyer-Professeur, celui qui ayant dressé de très nombreux chevaux, ayant passé sa vie à cheval en méditant et en s'enrichissant de connaissances, essaie de transmettre de son mieux sa philosophie équestre. |
Nuno Oliveira n'enseignait pas une méthode, mais une manière d'être à cheval. La recherche de l'harmonie, le souci constant du bien-être mental et physique du cheval, le souci prioritaire de l'impulsion et de l'équilibre, le culte de la légèreté étaient au centre de son enseignement. Il exigeait un travail entièrement basé sur la décontraction et l'absence de forces, autant de la part de ses élèves que de ses chevaux. Le cheval devait donner l'impression de se manier tout seul sans les aides de son cavalier. Le message était clair : seuls la justesse de l'attitude, la décontraction, la souplesse et le tact permettent d'obtenir le brillant et la légèreté sans lesquels il n'y a pas de belle et bonne équitation. |
Amener son élève à l'émotion, lui faire goûter la véritable joie de sentir sous lui un cheval qui se livre avec plaisir, sans contrainte, non comme un esclave mais comme un compagnon, était pour le Maître un devoir…Il ne cherchait pas à imposer une méthode, à convaincre qu'il n'y a qu'une seule manière de dresser un cheval. Mais il avait la certitude que seule la voie conduisant le cavalier à ne pas employer continuellement la force donne des chevaux qui travaillent avec plaisir tout en étant obéissants. Il voulait transmettre aux cavaliers, au-delà des spécificités de leur discipline de prédilection, l'idée de la recherche de la légèreté dans l'impulsion, celle qui a toujours été la préoccupation majeure des grands écuyers. Nuno Oliveira était un musicien de l'équitation. Il voulait faire comprendre à chacun de ses élèves que le cheval était un instrument de musique, qu'il fallait accorder avec tact, patience et savoir faire, afin d'en jouer juste et de le magnifier. Un piaffer ou un passage obtenu par la seule habileté du cavalier ne l'intéressait guère. Ils devaient être le fruit d'une harmonie, l'expression d'une impulsion supérieure dans la relaxation. La Haute Ecole était pour lui la recherche de la perfection, à partir des exercices les plus simples. Je me rappelle l'expression de ce cavalier qui, fier d'avoir montré au Maître tout ce que son cheval savait faire de savant, avait obtenu pour tout commentaire : " Montrez moi donc un cercle ! ". Ce sont des paroles qui marquent ! Car tel était l'art du Maître. Trouver pour chacun la parole juste, celle qui va à l'essentiel, qui arrive au moment précis, avec le ton nécessaire. L'enseignement n'était pas tributaire d'un système. Il était d'une grande simplicité, sans verbiage inutile; Tout commençait pour les élèves
qui se rendaient chez lui pour travailler en reprise, par l'attribution
des chevaux. Chacun se voyait attribuer en fonction de ses problèmes
du moment et de son évolution, le cheval qu'il lui fallait : " Prenez
donc ce cheval…il vous fait du bien ! ".Et même si chacun n'était pas
forcément enchanté de monter tel cheval qui lui posait problème, le
choix était toujours des plus judicieux. Il avait le don de juger instantanément
des capacités de l'élève, et de trouver ensuite la meilleure façon de
se faire comprendre lui et la meilleure façon qu'il se fasse comprendre
du cheval. Il savait calmer, donner de l'énergie, de la confiance, reconnaître
un résultat ou admonester…le langage était choisi, courtois et Nuno
savait se faire comprendre, en plusieurs langues, par un langage imagé
: " Le coin, la volte et l'épaule en dedans sont un ménage à trois "…"
L'épaule en dedans est un passage de coin qui se prolonge le long du
grand côté… ". Bien sûr, les cavaliers habitués
aux explications continuelles, à un système de pensée, à une méthode,
à une équitation très directive, et Nuno voyait toujours arriver les
cavaliers du pays de Descartes avec gourmandise, étaient quelquefois
perdus au début et déstabilisés par la sensibilité des chevaux. Mais
celui qui savait s'adapter en ressortait transformé au bout de quelques
jours. L'état d'esprit du cavalier évoluait ! Si aujourd'hui beaucoup se réclament
de l'enseignement de Nuno Oliveira, bien peu ont cependant suivis pendant
des années son enseignement et ont respecté l'esprit de sa philosophie
équestre, tout en laissant s'exprimer leur personnalité. Il y a les
" intégristes" de " l'oliveirime ", et nous avons vu que ce n'était
pas une méthode mais une manière d'être à cheval, pour lesquels la "
légèreté " est un dogme qui exige des rênes semi longues ou abandonnées,
qui s'exhibent sur des chevaux installés dans une fausse légèreté, sans
l'impulsion formidable que celle-ci réclame et sans tension de la ligne
du dos du cheval. Et puis, il y a tous ceux, qui avides
de connaissances, d'équitation juste et belle, d'harmonie équestre,
recherchent le plaisir à cheval, le bonheur de leur compagnon et la
paix intérieure. Bernard CHIRIS (1) Tous les ouvrages laissés par Nuno Oliveira viennent d'être regroupés et réédités par Belin en novembre 2007 : " NUNO OLIVEIRA. Œuvres complètes" |
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