Bruno Boiliveau

 
 
 
L'itinéraire de Bruno Boiliveau débute classiquement: enseignement d'équitation en centre équestre puis au collège d'équitation de Pierre Chambry, tourisme équestre, élevage. Il vient au spectacle par hasard à travers la cascade équestre. Bruno s'occupe pendant cinq années tout particulièrement des chevaux du Puy du Fou en Vendée où il y crée "l'école de cascade et de voltige" devenu depuis Académie de Cascade. 
Rapidement sa sensibilité, son sens artistique, la rigueur de son travail, son feeling d'homme de cheval véritable font de lui un homme de spectacle apprécié pour la diversité et l'originalité de ses créations.
Cheval-Passion, les Crinières d'or, Béziers, Equestria à Tarbes, l'Italie, la Suisse, l'Allemagne… jalonnent son parcours éclectique. 
Il revient cette année avec une nouvelle création pour l'ouverture des crinières d'or "Don Quichotte de la Mancha" galopant sur une mer aux multiples reflets métalliques, aussi mouvante qu'irréelle. 
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Photo © P.Domec
Bruno, bonjour. Vos créations équestres sont remarquées, toujours renouvelées. Que cherchez-vous dans la création ?

Dans une création, le cheval est un but, jamais un moyen. Le cheval est mon partenaire. Je ne cherche pas à briller à travers lui. J'ai toujours voulu mettre le cheval en beauté, avec des moyens simples, autour d'une histoire, d'une émotion.
Don Quichotte se débat dans ses problèmes intérieurs, mais quelles que soient ses difficultés, ses tourments, sa relation avec son cheval perdure. 

Des moyens simples ? Galoper sur un film plastique soulevé en vagues par de l'air pulsé effrayerait n'importe quel cheval… 

Je n'ai pas de difficultés particulières avec les chevaux. Le numéro n'est rien. C'est le travail en amont qui compte: établir une totale confiance avec son cheval, le décevoir le moins possible. 
Le cheval est capable de tout faire et partout. C'est ce qu'il faisait autrefois : la guerre, l'attelage, le travail des champs, le transport… et quelles que soient les conditions. En spectacle, au cirque, on ne fait que retrouver l'emploi passé du cheval. 
Ce sont les hommes qui ne savent plus faire. Actuellement, ce sont plutôt les hommes qui s'éduquent. 

Ma force, c'est d'être passé par toutes les disciplines: dressage, élevage, tourisme équestre, trotteurs…. 
Le piège, c'est d'être prisonnier de sa discipline, de sa propre technique.

Progresser, c'est remettre en question son savoir, se poser des questions. Il y a autant d'équitations que de chevaux.

Quelle est l'importance de la musique pour vous ?

Ce sont des choix personnels. La musique est quelquefois à la base des créations.
Chaque art doit faire un pas vers l'autre, renforcer la relation. Brel interprète "L'homme au miroir" et "La quête": c'est l'homme de la Mancha. La valse lente"Art Tango", décalée, renforce l'image de Don Quichotte, sa solitude. 

Oui… A Tarbes en 98, vous aviez mis à cheval un robot métallique, dont la tête était un miroir pivotant et la voix, celle d'Edith Piaf sur un vieux microsillon rayé "Non! Rien de rien. Non je ne regrette rien…" L'effet était saisissant. Que pensez-vous de la création équestre actuelle ? 

C'est plus ou moins imaginatif selon les périodes. Malgré tout, l'équitation avance en spectacle. Mais le lien avec les autres arts ne se fait encore assez. 
Il y a trop de timidité, beaucoup sont encore prisonniers du passé. L'équitation, c'est la somme des moyens d'hier et d'aujourd'hui. Les façons de présenter sont trop identiques, conventionnelles.
Nous n'en sommes pas encore au stade du patinage artistique qui a beaucoup bougé à un certain moment, même si c'est moins le cas actuellement.
L'avenir c'est l'ouverture. 

Vous avez travaillé avec des patineurs…? 

Oui, j'ai monté un spectacle avec Philippe Candeloro "La belle et la bête" à Saint Denis, ou évoluaient des animaux… Une présence animalière et équestre sur la glace.
Mais le rapport est plus difficile avec les patineurs qui ont aussi des difficultés à sortir de leur technique. C'est le même milieu fermé que pour les équitants.
Nos préparons un nouveau spectacle sur glace pour l'année prochaine ou nous allons beaucoup plus les uns vers les autres.
Nous recherchons actuellement des partenaires, des coproducteurs, des financements, des lieux d'accueil.

Avez-vous d'autres projets ?

Ce qui m'intéresse, c'est la rencontre. Le nouveau spectacle "2000 et Une façon d'accommoder le cheval" est une rencontre avec le chanteur lyrique ténor Jean-Louis Calvani.
C'est l'histoire de deux fous s'évadant d'un hôpital psychiatrique et qui arrivent dans un cirque un jour de relâche.
Chaque histoire qui leur arrive est pur hasard: rencontre avec des voltigeurs classiques, cosaques, avec des "aériens" au milieu de chevaux, de dromadaires, d'ânes…La vie des jours de routine et de répétition. 
Mon partenaire ténor va peut-être monter à cheval, moi être à pied…Faire un pas vers la technique de l' autre, mélanger les genres.

Bartabas va dans cette direction… 

Oui, c'est ça. Porter un nouveau regard sur le cheval, mettre le cheval en image, amener la poésie.

En spectacle équestre, la compétition est-elle rude ?

Pour que les cavaliers puissent aller plus loin, il faut cesser la compétition.
La seule valable, c'est celle que l'on fait contre soi-même. Tant que les cavaliers de spectacle sont en compétition, ils se mutilent eux-même.


 
 

En compétition il y des critères stricts. En spectacle, pas de contraintes, pas de limites autres que celles que l'on s'impose, autres que matérielles.
La compétition, c'est une autre histoire.
En spectacle on cherche l'émotion. Le but est de faire partager cette émotion, ou le rire… Le cheval est une fin en soi et non un moyen.

Nuno Oliveira, était un artiste. Il refusait de mettre en compétition Beethoven, Mozart, Verdi. L émotion primait tout…

Je suis totalement en accord…L'émotion, la poésie…



Interview réalisée le 21/01/01
Par Bernard CHIRIS


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