Entretien avec...

Audrey et Robin HASTA LUEGO

Bernard CHIRIS
Bonjour Audrey et Robin. J'aimerais que vous nous parliez de votre approche du cheval..

Elisabeth CHIRIS
Audrey, comment ton cheval est-il arrivé chez toi?

Audrey Hasta Luego
C'est un jeune cheval Casal Pinhal venu du Portugal à l'âge de trois ans. Au départ j'ai travaillé dans un esprit classique de voltige cosaque.

Elisabeth CHIRIS
Pourquoi as-tu choisi un Lusitanien pour faire de la voltige?

Audrey Hasta Luego
Dans la famille on a toujours travaillé avec des chevaux ibériques, des Lusitaniens, ça s'est fait donc tout naturellement. Tu sais, le cheval que j'avais avant, avec lequel je faisais de la voltige cosaque classique, il s'appelait Galagan. C'était fusionnel avec lui, un cheval avec lequel je m'entendais très très bien. Mais physiquemen, il n'arrivait pas à suivre! La voltige comme on la pratique demande un cheval athlètique, entraîné, musclé. C'était un cheval qui morphologiquement avait des difficultés. En fait, il n'était plus capable de faire de la voltige. Il était devenu dangereux pour moi.

Elisabeth CHIRIS
Qu'est-ce que la voltige cosaque?

Robin Hasta Luego
C'est une technique guerrière des Indiens ou des Cosaques. Cela dépend de la selle utilisée, selle américaine ou non. C'est une niche: il n'y a pas vraiment de codes bien déterminés. Les dénominations ne sont pas identiques pour tout le monde. C'est une voltige guerrière au départ! Il y a eu des excentricités, puis des créations uniquement artistiques...Après on a recherché l'élégance, les difficultés et les performances.

Elisabeth CHIRIS
Audrey, tu as fait de la danse?

Audrey Hasta Luego
Non du tout, c'est Robin qui m'a appris la voltige et petit à petit m'a dit: "tend plus le geste! Soit plus élégante!"

Robin Hasta Luego
Tout ce que je n'avais pas! Moi,c'était une voltige de brute!

Elisabeth CHIRIS
La voltige , ça se fait avec un filet, une bride..

Audrey Hasta Luego
Au départ, c'est absolulent ce que j'ai fait. Puis il y a eu les soucis avec mon cheval. On m'a dit:" il te faut un nouveau cheval". Mais je n'avais pas du tout envie de me séparer de mon cheval!

Elisabeth CHIRIS
A quel âge as-tu eu ce premier cheval?

Audrey Hasta Luego
Cela faisait seulement deux ans que je travaillais mais avec lui et il y avait toujours quelque chose qui se passait. Quand j'arrivais, il était plaqué aux barreaux du boxe en permanence. Si je le lâchais dans l'arêne pour qu'il se détende, il fallait que je parte, parce que tant qu'il me voyait, il restait à m'attendre...C'est ce qui m'a amené vers le travail en liberté, et à avoir une nouvelle relation avec ce cheval. Puisqu'il n'y avait plus la voltige, je me suis mise à le monter sans objectif. J'ai profité de ces moments sans chercher de but, j'ai passé du temps avec mon cheval. Je l'ai monté ou travaillé à pied. En liberté, je me suis aperçue qu'il restait en permanence avec moi. C'est un cheval très proche.
J'ai enlevé la bride dans le manège, la communication s'est faite très très vite, je me suis mise à le travailler dans cette voie et j'ai créé un numéro sans bride mais dans lequel il n'y avait pas de voltige: c'étaient les prémices.

Elisabeth CHIRIS
Ou as-tu appris à monter?

Audrey Hasta Luego
Je viens de la Champagne, de l'Aisne, dans les clubs, de façon classique. J'ai eu un poney à douze ans que mon parrain m'a offert. Depuis toute petite, j'étais passionnée de chevaux, c'était inné. Mes parents n'avaient pas du tout les moyens d'entretenir un cheval ou un poney, ni même de me faire monter dans un club.
Ma chambre était remplie de posters et tous les soirs je les embrassais...(rires..)

Bernard CHIRIS
C'était un rève de petite fille.

Audrey Hasta Luego
C'était totalement ça. Pour les photos avec Robin en Camargue, je révais de faire un galop sur la plage, de le faire avec mon propre cheval, sans bride, dans une équitation un peu aboutie. Robin faisait les photos...Quelquefois, il n'était pas content.... je ne m'occupais pas de lui, j'étais avec seule mon cheval et je partais dans les dunes.

Bernard CHIRIS
Est-ce-que tu estimes avec ce cheval que tu connais bien maintenant, avec lequel tu as établi des relations plus fines, que l'on peut dire qu'il est un peu ton reflet, qu'il te ressemble...A moins que ce ne soit toi qui lui ressembles?

Audrey Hasta Luego
Je pense que c'est moi qui me suis le plus adaptée au cheval. Avec l'expérience, parce que c'est le deuxième cheval que j'ai eu. Pour comprendre mon premier cheval que j'ai beaucoup aimé, j'ai crée un numéro avec lui. J'ai fait trois représentations de ce numéro et il est sorti de piste boiteux, en fait il avait de l'arthrose. Je l'ai gardé pendant un an, je l'ai soigné par tous les moyens, il a fallu se faire une raison! Entre temps Sabio, le cheval que j'ai actuellement est arrivé. C'est pour laquelle avec ce cheval je n'ai pas du tout voulu repartir sur le même travail qu'avec Galagan, mon premier cheval. Cétait trop fusionnel avec Galagan; pour moi ce n'était pas possible.

Elisabeth CHIRIS
Avec le deuxième, comment as-tu envisagé les choses?

Audrey Hasta Luego
Sabio est arrivé: c'était un cheval qui n'attendait rien de l'homme. Il arrivait du Portugal, on ne connaissait pas son passé, il y avait aussi cette tristesse du premier...

Elisabeth CHIRIS
En fait il fallait que tu fasses ton deuil de Galagan pour l'apprécier...

Audrey Hasta Luego
Robin me disait:" tu as un jeune cheval, commence dés maitenant, va plus loin"...Je n'écoutais pas du tout! Et du coup avec Sabio je suis retournée à la voltige. Je l'ai monté aussi en dressage classique: c'est un cheval insoumis, dés qu'on lui demandait un excercice un peu poussé, il se rebellait complètement. Le piaffer c'était même pas la peine, on arrivait toujours dans la bagarre.
Je pense que c'est comme ça que petit à petit j'ai voulu faire de la voltige sans bride par rapport à Robin qui montait son cheval sans bride. Je me suis dis: "tiens je vais lui faire un petit clin d'oeil". Il n'était même pas là!
Personne ne pouvait me voir...je vais enlever la bride, je vais voltiger sans bride! Et en fait, quand je lui ai enlevé la bride, j'ai commencé...Toutes les sensations que j'avais eu avec Galagan sont revenues et involontairement, j'ai abordé ce cheval-là comme j'ai abordé Galagan, et le cheval en partant dans cette voie s'est livré très vite, pas d'un seul coup bien sûr...

Bernard CHIRIS
Le fait d'être bridé, d'être harnaché, était-il un frein?

Audrey Hasta Luego
Oui, je l'ai vu comme ça, le cheval s'est libéré.
Quand on est sans bride et sans selle, il est difficile de l'expliquer avec des mots.
Les gens me disent: "vous avez des codes, vous avez la voix, les jambes"... Mais dés fois c'est même pas ça, on n'arrive à un point, voilà on veut et la chose se fait. Je crois que ça devient fusionnel, il y a un langage qui se crée. Ce n'est pas: j'ai fait ça et mon cheval fait ça.

Bernard CHIRIS
Pensez-vous l'un et l'autre que l'on arrive à la même finesse de travail qu'avec une bride?

Audrey Hasta Luego
Tout dépend de la relation qu'on attend avec le cheval...Moi j'arrive à piaffer avec mon cheval, à le mettre dans une attitude ou il va se mettre sous lui, se relever et avoir de l'amplitude.

Bernard CHIRIS
Est-ce que le cheval piaffait au préalable?

Audrey Hasta Luego
On a essayé le piaffer en main, enrêné: il refusait. Pour ce cheval là , cet individu là, la liberté le libérait. Je me suis débrouillée toute seule, mais je travaille quand même mon cheval avec un caveçon. Je le travaille aussi enrêné, mais c'est toujours dans un esprit de ne pas soumettre ni contraindre. Sans la bride, il s'est calmé.

Bernard CHIRIS
Robin,quel est ton point de vue de photographe sur le cheval?

Robin Hasta Luego
A cheval tu as toujours envie d'avoir un miroir, de te regarder en étant à pied... parce que l'on a un ressenti dessus... Mais est-ce que ce ressenti est le même? On regarde aussi l'oeil, on essaye de savoir. Dans l'oeil il y a beaucoup de choses qui se passent chez les gens, mais aussi et surtout chez les chevaux, parce qu'il ne te disent pas s'ils ont mal.

Bernard CHIRIS
Tu n'es pas qu'un photographe qui photographie un cheval, tu es aussi un cavalier qui photographie des chevaux, tu es impliqué, tu connais tellement les chevaux.
Oliveira disait qu'après les épreuves de dressage, pour voir si les chevaux avaient été montés correctement, les juges devraient descendre, regarder l'oeil du cheval et donner la note, voir si le cheval était apaisé, s'il était bien...

Robin Hasta Luego
Ah ça, je ne le savais pas du tout!
La photo m'a appris à figer des moments, à regarder les chevaux dans des attitudes, regarder l'oeil et à aller vers quelque chose de plus épuré, de se concentrer sur le cheval

Audrey Hasta Luego
..L'émotion qui passe...

Robin Hasta Luego
Le contact avec Audrey qui vient d'une famille d'artistes, de sculpteurs, de peintres m'a beaucoup apporté.

Bernard CHIRIS
Pour conclure quel sont vos projets à moyen terme?

Robin Hasta Luego
Dans l'immédiat le numéro qu'Audrey a présenté au MISEC, puis il y aura un autre numéro rapidement et un spectacle complet ensuite.

Bernard CHIRIS
Comment vois-tu l'évolution du spectacle équestre?

Robin Hasta Luego
Ce qui n'a pas souvent été fait , c'est d'amener les gens dans autre chose que la performance pure. Dans le spectacle équestre, il y a eu un moment ou il n'y avait que la performance, puis un autre où la mise en scène primait, avec un cheval accessoire...Maintenant, on veut lier les deux, c'est-à dire mettre le spectacle équestre au niveau des autres spectacles.
Les artistes équestres sont souvent maladroits, il n'ont pas suffisament de subtilité...Du reste à l'Académie Equestre de Versailles, ils ont très bien compris, ils les forment à autre chose aussi...Si l'on arrive à ça, on arrivera à passer un cap. Autrement, bien qu'existant depuis longtemps, le spectacle équestre peut devenir obsolète.

Elisabeth et bernard CHIRIS

Nous vous remercions pour votre gentillesse. Nous ne manquerons pas de suivre avec plaisir vos belles recherches artistiques, à tous les deux. A bientôt.
Photos Robin Hasta luego tous droits réservés.

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